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  Cependant de toutes les difficultés que rencontra mon père au sujet de la « Salle des Ancêtres de Thoutmès III », il n’est guère possible de passer sous silence certains incidents qui faillirent et, compromettre l’enlèvement et surtout le transport en France dont un, principalement valut à Prisse d’Averties, et en maintes circonstances, de grands ressentiments de la part de la personne qui s’y trouva fortuitement mêlée.
Nonobstant ses prudentes mesures, Prisse d’Avennes eut au début de cette entreprise, lors du déplacement des architraves, deux hommes gravement blessés qu’il fit transporter sous sa tente, leur prodiguant lui-même tous les soins nécessaires, et ne rendit à leur famille que sur l’instance de ces dernières, auxquelles il paya régulièrement le double du salaire quotidien, jusqu’à complète guérison.
Néanmoins, malgré. ce regrettable contretemps, il venait de terminer l’encaissement du précieux monument et des autres stèles et bas-reliefs, lorsque les soldats du Pacha, envoyés par le Gouverneur de la province, auquel Prisse d’Avennes avait été si malheureusement dénoncé, vinrent, sinon pour l’arrêter, étant donnée l’influence qu’il s’était acquise depuis sa résidence en Égypte, tant par les services qu’il y avait rendus en maintes circonstances, et fort appréciés des Autorités et des intéressés, que par sa situation officielle antérieure, du moins pour s’emparer des antiquités conquises avec tant de peine et sauvées, cependant, d’une destruction certaine. Mais devant son énergique résistance, devant son attitude résolue, et selon aussi les termes de nos Capitulations avec la Porte, les soldats n’osèrent pénétrer Sous sa tente, mais il fut gardé à vue et « l’embargo » fut mis sur sa cange.
Au bout d’un, mois d’attente d’opposition et de tergiversation, Émile Prisse d’Avennes se décida à en venir aux présents et finit par acheter ainsi la permission d’enlever ses vingt-sept caisses d’antiquités, à la condition expresse toutefois, qu’il les ferait transporter pendant la nuit, à bord de sa barque : aussitôt après le chargement qui n’avait pu s’effectuer qu’avec de grandes difficultés, ne pouvant trouver les hommes nécessaires, en raison des ordres du Pacha, il dut s’y employer aussi et mit à la voile se dirigeant sur Le Caire.
Accompagnant sur sa cange son inestimable butin, Prisse d’Avennes fut obligé, pour cause de vent contraire, à naviguer seize jours sur le Nil avant d’arriver à destination. Ce fut aux environs des hypogées de Béni-Hassan qu’eut lieu le principal incident c’est, en effet, dans ces parages que mon père croisa la Commission prussienne, rencontre qui a été diversement interprétée. Lepsius qui la dirigeait, se rendit à bord de sa barque, oò, après l’échange des politesses d’usage en pareil cas. l’on causa en prenant le café, comme de coutume en Orient. Le docteur allemand confia à Prisse d’Avennes qu’il était venu en Égypte « tout exprès pour enlever » la Salle des ancêtres de Thoutmès III, « destinée au musée de Berlin ». Prisse d’Avennes reçut, fort tranquillement, sa communication, se gardant bien au départ du docteur de lui apprendre que, les caisses sur lesquelles ils s’étaient assis tous deux pour prendre le café, renfermaient précisément « tous les bas-reliefs de la Chambre des rois ou sanctuaire de Thoutmès III » but principal de son expédition scientifique.
J’ai tenu à préciser ce fait dont j’assure l’authenticité, parce que, au dire de quelques écrivains, ce serait un festin qui aurait été servi sur les caisses contenant la célèbre Salle des ancêtres de Thoutmès III et autres antiquités de l’histoire pharaonique que mon père rapportait pour la France quant aux matelots de la cange de l’Avesnois, ils étaient tous Arabes et ignoraient bien certainement la nature du chargement, ou alors. selon leur habituelle indifférence, ne devaient guère s’en soucier, Lorsque Lepsius arriva, peu après, à Karnak il éprouva, la vue du monument disparu, une véritable consternation, et sa déception fut telle en apprenant que Prisse d’Avennes l’avait sans titre officiel, par ce coup d’une audace incomparable, si prestement devancé dans l’exécution de son projet, et lui enlevait ainsi le plus important le plus précieux fleuron de sa mission, qu’il lui en manifesta toujours, et en toutes occasions de grands ressentiments et intrigua vivement contre lui dans les ambassades et auprès des autorités locales pour empêcher le départ de la Salle des ancêtres de Thoutmès III.

À son arrivée au Caire, Prisse d’Avennes se rendit chez le vice-consul de France afin de se procurer un permis de libre parcours, mais ce dernier se récusa prétextant qu’il était en contravention formelle avec les ordres du Pacha et ne pouvait le protéger en la circonstance. « Vous avez, ajouta-t-il, si bien réussi jusqu’à présent dans une opération qui me semblait impossible, que vous ne pouvez échouer au port. » Ce ne fut qu’à force de précautions et même de ruse, après avoir fait maints détours pour éviter les douanes que Prisse d’Avennes put enfin atteindre Alexandrie le 3 aoôt sans plus d’encombre. En cette cité, il n’eut pas meilleur accueil qu’au Caire, et à son tour, M. Benedetti, gérant le consulat général de France ne voulut entendre parler de quoi que ce soit concernant la Salle des Ancêtres ce n’est seulement qu’après trois jours d’attente, de démarches nouvelles et sur l’insistance de notre savant compatriote qui fit ressortir que les autorités françaises lui devaient protection en la circonstance, qu’en attendant un bâtiment en partance, le gérant du consulat finit par faire déposer les 27 caisses renfermant les fameux bas-reliefs et autres antiquités, dans les magasins du Gouvernement égyptien, plutôt que de les abriter, comme le demandait Prisse d’Avennes, sous le pavillon national. On peut juger combien cette décision, invraisemblable et cette hostilité incompréhensible de la part d’un agent consulaire français auraient pu être funestes à la sécurité de ces vieilles pages graphiques de l’histoire pharaonique si péniblement acquises à la science et à la France, sans l’énergie et la persévérance inlassables que mit mon père pour les sauvegarder envers et contre tous.
Néanmoins, tous les obstacles n’étaient pas encore levés pour le départ du petit sanctuaire de Thoutmès III. Le Pacha avait été instruit de l’enlèvement et s’opposait à sa sortie. Ce ne fut qu’après de nouvelles et nombreuses démarches et une dépense extraordinaire de volonté et d’audace que Prisse d’Avennes réussit, le 15 mai 1844, c’est-à-dire, un an après l’enlèvement, à faire embarquer sur le vapeur Le Cerbire (capitaine Vial), ses 27 caisses d’antiquités portant la mention suivante « Objets d’histoire naturelle destinés au musée de Paris ! » Cette dénomination dont mon père avait revêtu ces précieux bas-reliefs chronologiques les préserva très probablement aussi de bien des atteintes, lorsqu’il fut obligé d’en accepter le dépôt dans les « magasins du gouvernement égyptien », en attendant de France, la réponse de M. Villemain, ministre de l’Instruction publique, auquel il avait écrit plusieurs fois, et entre autres, avant l’enlèvement de la Chambre des rois, le 8 mars 1843, dans cette lettre, Prisse d’Avennes, après avoir appelé l’attention du ministre sur les déprédations de la Commission prussienne (1) et autres personnes qui enlevaient pierre à pierre cette merveilleuse histoire pharaonique tirée de l’oubli par le génie d’un Français, il disait :
« Dans cette Égypte déjà si appauvrie par les dévastateurs musulmans et des spéculateurs européens, une société savante est descendue comme une invasion de barbares pour emporter le peu qui reste des admirables monuments égyptiens. Indigné de toutes ces dévastations auxquelles je ne puis m’opposer, je me suis décidé à solliciter une mission pour faire dans cette débâcle, une part à la France. » Mon père ne recevant pas de réponse de notre ministre, son patriotisme le fit, comme on l’a vu, agir au plus vite sans secours ni appui officiels, couronnant, cependant, de succès son hardi projet. Ce qui ajoute encore au mérite de Prisse d’Avennes, c’est que pour cette entreprise superbe d’audace, il se trouvait, non seulement, devant des rivalités étrangères qui possédaient l’appui de leur gouvernement, lorsque lui était sans soutien, sans mission, mais c’est qu’il avait à peine les ressources strictement nécessaires pour obvier à tout ; son triomphe est celui d’un homme livré à ses seules forces, et puisant son courage dans son amour de la science et de la patrie ! Lorsque « Le Cerbère » fut en rade de Toulon, Prisse d’Avennes écrivit de nouveau au ministre pour lui annoncer l’arrivée de ses antiquités, et ce fut à bord de ce vapeur que M. Villemain lui adressa sa réponse. Voyez la lettre pages 32 et 33 de la Notice sur Prisse d’Avennes ou l’original de cette lettre portant le n° 4, dans le volume de ses Miscellanées que possède la Société archéologique et historique d’Avesnes.

Après son retour en, France, et bien que poursuivant avec opiniâtreté son projet de réédification de la Salle des ancêtres de Thoutmès III, à la Bibliothèque nationale, tel qu’il l’avait soumis au ministre de l’Instruction publique, Prisse d’Avennes s’occupa de diverses publications sur l’Orient, mais ne put mener à bien comme il le concevait, cette réédification, en raison de l’opposition qu’il rencontra de la part du directeur et des conservateurs de cet établissement. Cette réédification n’était pas encore achevée que mon père fut chargé, et à différentes reprises, par le gouvernement français, de missions scientifiques, commerciales et artistiques, en Égypte, en Nubie, en Asie-Mineure, dans le Nedjd, Arabie centrale, etc.
Lors de ses missions de 1958-1959 et 186o, après son arrivée au Caire et avoir payé un juste tribut de regrets à son ami George Lloyd de Brynestyn, et pris l’initiative de faire réédifier, par l’académie des Inscriptions et Belles-Lettres, le monument funèbre dont l’état de délabrement ne permettait plus d’abriter les restes du baron Gobert, mort en cette ville le 2 décembre 1833, fondateur d’un prix annuel pour le meilleur travail sur l’histoire de France, Prisse d’Avennes se rendit à Alexandrie, oò en, souvenir de ses importants travaux et des services qu’il avait rendus à la science, pendant son premier séjour, il fut nommé membre honoraire de l’Institut égyptien, À Alexandrie, il éprouva de grandes difficultés à obtenir le firman de voyage nécessaire aux fouilles qu’il devait pratiquer ; Saïd Pacha formant un musée d’antiquités sous la direction de A. Mariette, ne voulait plus en accorder. Prisse d’Avennes l’obtint, cependant, sous promesses formelles de n’enlever aucun monument, comme pendant son premier séjour ; il s’y résigna malgré le désir qu’il avait de doter encore son pays de quelques monuments pharaoniques de haute importance sur lesquels il avait déjà jeté son dévolu, mais devant sa parole donnée il s’en abstint, se contentant de prendre, photographies. estampages en papier, moulages, calques, etc., de ces divers monuments, et de payer de ses propres deniers, les différentes antiquités qu’il rapporta de ses explorations.
En dehors des contrées oò l’appelaient ses missions, il se rendit à Assouan, aux cataractes, dans la Basse Nubie, revint à Philæ, à Thèbes, explora de nouveau la nécropole de Memphis, les pyramides et les plus remarquables hypogées de la Thébaïde, excursions dans lesquelles il recueillit de nombreux documents, et mit au jour les bas-reliefs historiques du temple de Médinet Habou, dont il fit, comme pour quantité d’autres bas-reliefs, les estampages en papier, procédé qu’il avait maintes fois employé avec succès dès le début de ses investigations, lors de sa première venir dans la vallée du Nil en 1827.
Sa mission commerciale fut surtout difficile, en raison de la rivalité des négociants, toutefois, il la mena à bien, réunissant une foule d’échantillons anciens et modernes auxquels était joint un catalogue raisonné de tous les objets achetés ou dessinés, plus un Mémoire confidentiel, destiné au ministre, contenant aussi des données extrêmement intéressantes à divers points de vue.
C’est du reste en s’imposant des privations de tous genres, étant donnée la modique allocation reçue et l’enchérissement des denrées depuis son premier séjour dans la vallée du Nil, et surtout en raison de sa persévérance, de sa ténacité, de ses connaissances toutes spéciales des langues et dialectes des différentes contrées par lui explorées, et aussi de toute son énergie habituelle et de sa prudence, que Prisse d’Avennes put accomplir pleinement ses autres missions qui ne furent pas sans danger, vu une sérieuse fermentation des esprits et les prédications contre les chrétiens, suscitées à Djeddah, par certains abus d’autorité fut-il rapporté, et dont on se rappelle les douloureux événements. Il est vrai que pour pérégriner avec plus de facilité et pouvoir accomplir ses diverses recherches plus aisément dans chaque endroit, il avait, comme à ses premières explorations en Orient, revêtu le costume en usage.
Prisse d’Avennes rentrait en France, ses missions entièrement terminées, rapportant encore de nombreux documents des plus curieux sur l’Égypte pharaonique et l’Égypte arabe, parmi lesquels on peut citer trois cents dessins in-folio, quantité de calques soignés et coloriés, en un mot de véritables fac-similés des plus belles peintures de diverses époques. Quelques-uns de ces calques avaient jusqu’à sept et huit mètres de long ; quatre cents mètres d’estampages de bas-reliefs, cent cinquante photographies des plus intéressants détails d’architecture et de sculpture, ainsi que les photographies des plus importants monuments du Caire des plans, des coupes, des élévations, soigneusement côtés et pour la plupart inédits, cent cinquante dessins ou photographies stéréoscopiques, des croquis, des notes, etc., etc. Avec ces documents il rapportait encore une collection de vingt-neuf crânes de momies égyptiennes dont plusieurs étaient dorés, et il put préciser l’époque, le nom et les fonctions même de l’individu que représentait chacune de ces momies ; une collection de vases égyptiens et arabes de diverses formes et en différentes matières des lampes et des vases arabes en verre émaillé, etc. Aussi nos collections nationales vinrent-elles de nouveau s’enrichir de précieux spécimens. entre autres, celles du musée du Louvre, du cabinet des Médailles, du laboratoire d’Anthropologie et du Muséum d’histoire naturelle.
Joignant à ces services rendus, de profondes connaissances des us et coutumes de l’Orient, en un mot, tout ce qui s’y rattachait, le gouvernement français proposa à Prisse d’Avennes, le poste d’ambassadeur à Constantinople, mais il refusa, voulant dans « l’intérêt de la science et de l’art », se consacrer entièrement à ses publications. Néanmoins l’État le chargea de nouveau, en avril 1874, de missions scientifiques et artistiques dans la vallée du Nil, que déjà il avait explorée avec tant de profit pour « la science, l’histoire et l’art », mais gravement atteint du mal qui devait l’enlever cinq ans plus tard, il ne put les accomplir.

(1) La Commission prussienne qui vint en 1843 en Égypte avait à sa tête le docteur Lepsius qui lui-même donnait l’exemple de la destruction sur ce que l’on ne tenait pas à emporter, ainsi qu’on le verra plus loin à propos d’une colonnette de l’hypogée d’Abd el-Gournah ; de par ces actes, on voit, que les savants allemands ont, de tout temps, été aussi barbares, aussi vandales que les officiers et la soldatesque, et que les déprédations, les destructions systématiques que les troupes boches commirent en 1870 et durant la grande guerre de 1914-1918, ne sont en sorte que la continuation de leur sinistré mentalité qui ne sera, quoi qu’on fasse, jamais amendable
 
     
  cependant de toutes les difficultes que rencontra mon pere au sujet de la "salle des ancetres de thoutmes iii", il n'est guere possible de passer sous silence certains incidents qui faillirent et, compromettre l'enlevement et surtout le transport en france dont un, principalement valut a prisse d'averties, et en maintes circonstances, de grands ressentiments de la part de la personne qui s'y trouva fortuitement melee.
nonobstant ses prudentes mesures, prisse d'avennes eut au debut de cette entreprise, lors du deplacement des architraves, deux hommes gravement blesses qu'il fit transporter sous sa tente, leur prodiguant lui-meme tous les soins necessaires, et ne rendit a leur famille que sur l'instance de ces dernieres, auxquelles il paya regulierement le double du salaire quotidien, jusqu'a complete guerison.
neanmoins, malgre. ce regrettable contretemps, il venait de terminer l'encaissement du precieux monument et des autres steles et bas-reliefs, lorsque les soldats du pacha, envoyes par le gouverneur de la province, auquel prisse d'avennes avait ete si malheureusement denonce, vinrent, sinon pour l'arreter, etant donnee l'influence qu'il s'etait acquise depuis sa residence en egypte, tant par les services qu'il y avait rendus en maintes circonstances, et fort apprecies des autorites et des interesses, que par sa situation officielle anterieure, du moins pour s'emparer des antiquites conquises avec tant de peine et sauvees, cependant, d'une destruction certaine. mais devant son energique resistance, devant son attitude resolue, et selon aussi les termes de nos capitulations avec la porte, les soldats n'oserent penetrer sous sa tente, mais il fut garde a vue et "l'embargo" fut mis sur sa cange.
au bout d'un, mois d'attente d'opposition et de tergiversation, emile prisse d'avennes se decida a en venir aux presents et finit par acheter ainsi la permission d'enlever ses vingt-sept caisses d'antiquites, a la condition expresse toutefois, qu'il les ferait transporter pendant la nuit, a bord de sa barque: aussitot apres le chargement qui n'avait pu s'effectuer qu'avec de grandes difficultes, ne pouvant trouver les hommes necessaires, en raison des ordres du pacha, il dut s'y employer aussi et mit a la voile se dirigeant sur lecaire.
accompagnant sur sa cange son inestimable butin, prisse d'avennes fut oblige, pour cause de vent contraire, a naviguer seize jours sur le nil avant d'arriver a destination. ce fut aux environs des hypogees de beni-hassan qu'eut lieu le principal incident c'est, en effet, dans ces parages que mon pere croisa la commission prussienne, rencontre qui a ete diversement interpretee. lepsius qui la dirigeait, se rendit a bord de sa barque, ou, apres l'echange des politesses d'usage en pareil cas. l'on causa en prenant le cafe, comme de coutume en orient. le docteur allemand confia a prisse d'avennes qu'il etait venu en egypte "tout expres pour enlever" la salle des ancetres de thoutmes iii, "destinee au musee de berlin". prisse d'avennes recut, fort tranquillement, sa communication, se gardant bien au depart du docteur de lui apprendre que, les caisses sur lesquelles ils s'etaient assis tous deux pour prendre le cafe, renfermaient precisement "tous les bas-reliefs de la chambre des rois ou sanctuaire de thoutmes iii" but principal de son expedition scientifique.
j'ai tenu a preciser ce fait dont j'assure l'authenticite, parce que, au dire de quelques ecrivains, ce serait un festin qui aurait ete servi sur les caisses contenant la celebre salle des ancetres de thoutmes iii et autres antiquites de l'histoire pharaonique que mon pere rapportait pour la france quant aux matelots de la cange de l'avesnois, ils etaient tous arabes et ignoraient bien certainement la nature du chargement, ou alors. selon leur habituelle indifference, ne devaient guere s'en soucier, lorsque lepsius arriva, peu apres, a karnak il eprouva, la vue du monument disparu, une veritable consternation, et sa deception fut telle en apprenant que prisse d'avennes l'avait sans titre officiel, par ce coup d'une audace incomparable, si prestement devance dans l'execution de son projet, et lui enlevait ainsi le plus important le plus precieux fleuron de sa mission, qu'il lui en manifesta toujours, et en toutes occasions de grands ressentiments et intrigua vivement contre lui dans les ambassades et aupres des autorites locales pour empecher le depart de la salle des ancetres de thoutmes iii.

a son arrivee aucaire, prisse d'avennes se rendit chez le vice-consul de france afin de se procurer un permis de libre parcours, mais ce dernier se recusa pretextant qu'il etait en contravention formelle avec les ordres du pacha et ne pouvait le proteger en la circonstance. "vous avez, ajouta-t-il, si bien reussi jusqu'a present dans une operation qui me semblait impossible, que vous ne pouvez echouer au port." ce ne fut qu'a force de precautions et meme de ruse, apres avoir fait maints detours pour eviter les douanes que prisse d'avennes put enfin atteindre alexandrie le 3aout sans plus d'encombre. en cette cite, il n'eut pas meilleur accueil qu'aucaire, et a son tour, m.benedetti, gerant le consulat general de france ne voulut entendre parler de quoi que ce soit concernant la salle des ancetres ce n'est seulement qu'apres trois jours d'attente, de demarches nouvelles et sur l'insistance de notre savant compatriote qui fit ressortir que les autorites francaises lui devaient protection en la circonstance, qu'en attendant un batiment en partance, le gerant du consulat finit par faire deposer les 27 caisses renfermant les fameux bas-reliefs et autres antiquites, dansles magasins du gouvernement egyptien, plutot que de les abriter, comme le demandait prisse d'avennes, sous le pavillon national. on peut juger combien cette decision, invraisemblable et cette hostilite incomprehensible de la part d'un agent consulaire francais auraient pu etre funestes a la securite de ces vieilles pages graphiques de l'histoire pharaonique si peniblement acquises a la science et a la france, sans l'energie et la perseverance inlassables que mit mon pere pour les sauvegarder envers et contre tous.
neanmoins, tous les obstacles n'etaient pas encore leves pour le depart du petit sanctuaire de thoutmes iii. le pacha avait ete instruit de l'enlevement et s'opposait a sa sortie. ce ne fut qu'apres de nouvelles et nombreuses demarches et une depense extraordinaire de volonte et d'audace que prisse d'avennes reussit, le 15mai 1844, c'est-a-dire, un an apres l'enlevement, a faire embarquer sur le vapeur le cerbire (capitaine vial), ses 27 caisses d'antiquites portant la mention suivante "objets d'histoire naturelle destines au musee de paris!" cette denomination dont mon pere avait revetu ces precieux bas-reliefs chronologiques les preserva tres probablement aussi de bien des atteintes, lorsqu'il fut oblige d'en accepter le depot dans les "magasins du gouvernement egyptien", en attendant de france, la reponse de m.villemain, ministre de l'instruction publique, auquel il avait ecrit plusieurs fois, et entre autres, avant l'enlevement de la chambre des rois, le 8mars 1843, dans cette lettre, prisse d'avennes, apres avoir appele l'attention du ministre sur les depredations de la commission prussienne (1) et autres personnes qui enlevaient pierre a pierre cette merveilleuse histoire pharaonique tiree de l'oubli par le genie d'un francais, il disait:
"dans cette egypte deja si appauvrie par les devastateurs musulmans et des speculateurs europeens, une societe savante est descendue comme une invasion de barbares pour emporter le peu qui reste des admirables monuments egyptiens. indigne de toutes ces devastations auxquelles je ne puis m'opposer, je me suis decide a solliciter une mission pour faire dans cette debacle, une part a la france." mon pere ne recevant pas de reponse de notre ministre, son patriotisme le fit, comme on l'a vu, agir au plus vite sans secours ni appui officiels, couronnant, cependant, de succes son hardi projet. ce qui ajoute encore au merite de prisse d'avennes, c'est que pour cette entreprise superbe d'audace, il se trouvait, non seulement, devant des rivalites etrangeres qui possedaient l'appui de leur gouvernement, lorsque lui etait sans soutien, sans mission, mais c'est qu'il avait a peine les ressources strictement necessaires pour obvier a tout; son triomphe est celui d'un homme livre a ses seules forces, et puisant son courage dans son amour de la science et de la patrie! lorsque "le cerbere" fut en rade de toulon, prisse d'avennes ecrivit de nouveau au ministre pour lui annoncer l'arrivee de ses antiquites, et ce fut a bord de ce vapeur que m.villemain lui adressa sa reponse. voyez la lettre pages32 et33 de la notice sur prisse d'avennes ou l'original de cette lettre portant le n°4, dans le volume de ses miscellanees que possede la societe archeologique et historique d'avesnes.

apres son retour en, france, et bien que poursuivant avec opiniatrete son projet de reedification de la salle des ancetres de thoutmes iii, a la bibliotheque nationale, tel qu'il l'avait soumis au ministre de l'instruction publique, prisse d'avennes s'occupa de diverses publications sur l'orient, mais ne put mener a bien comme il le concevait, cette reedification, en raison de l'opposition qu'il rencontra de la part du directeur et des conservateurs de cet etablissement. cette reedification n'etait pas encore achevee que mon pere fut charge, et a differentes reprises, par le gouvernement francais, de missions scientifiques, commerciales et artistiques, en egypte, en nubie, en asie-mineure, dans le nedjd, arabie centrale, etc.
lors de ses missions de 1958-1959 et 186o, apres son arrivee aucaire et avoir paye un juste tribut de regrets a son ami george lloyd de brynestyn, et pris l'initiative de faire reedifier, par l'academie des inscriptions et belles-lettres, le monument funebre dont l'etat de delabrement ne permettait plus d'abriter les restes du baron gobert, mort en cette ville le 2decembre 1833, fondateur d'un prix annuel pour le meilleur travail sur l'histoire de france, prisse d'avennes se rendit a alexandrie, ou en, souvenir de ses importants travaux et des services qu'il avait rendus a la science, pendant son premier sejour, il fut nomme membre honoraire de l'institut egyptien, a alexandrie, il eprouva de grandes difficultes a obtenir le firman de voyage necessaire aux fouilles qu'il devait pratiquer; said pacha formant un musee d'antiquites sous la direction de a.mariette, ne voulait plus en accorder. prisse d'avennes l'obtint, cependant, sous promesses formelles de n'enlever aucun monument, comme pendant son premier sejour; il s'y resigna malgre le desir qu'il avait de doter encore son pays de quelques monuments pharaoniques de haute importance sur lesquels il avait deja jete son devolu, mais devant sa parole donnee il s'en abstint, se contentant de prendre, photographies. estampages en papier, moulages, calques, etc., de ces divers monuments, et de payer de ses propres deniers, les differentes antiquites qu'il rapporta de ses explorations.
en dehors des contrees ou l'appelaient ses missions, il se rendit a assouan, aux cataractes, dans la basse nubie, revint a philae, a thebes, explora de nouveau la necropole de memphis, les pyramides et les plus remarquables hypogees de la thebaide, excursions dans lesquelles il recueillit de nombreux documents, et mit au jour les bas-reliefs historiques du temple de medinet habou, dont il fit, comme pour quantite d'autres bas-reliefs, les estampages en papier, procede qu'il avait maintes fois employe avec succes des le debut de ses investigations, lors de sa premiere venir dans la vallee du nil en 1827.
sa mission commerciale fut surtout difficile, en raison de la rivalite des negociants, toutefois, il la mena a bien, reunissant une foule d'echantillons anciens et modernes auxquels etait joint un catalogue raisonne de tous les objets achetes ou dessines, plus un memoire confidentiel, destine au ministre, contenant aussi des donnees extremement interessantes a divers points de vue.
c'est du reste en s'imposant des privations de tous genres, etant donnee la modique allocation recue et l'encherissement des denrees depuis son premier sejour dans la vallee du nil, et surtout en raison de sa perseverance, de sa tenacite, de ses connaissances toutes speciales des langues et dialectes des differentes contrees par lui explorees, et aussi de toute son energie habituelle et de sa prudence, que prisse d'avennes put accomplir pleinement ses autres missions qui ne furent pas sans danger, vu une serieuse fermentation des esprits et les predications contre les chretiens, suscitees a djeddah, par certains abus d'autorite fut-il rapporte, et dont on se rappelle les douloureux evenements. il est vrai que pour peregriner avec plus de facilite et pouvoir accomplir ses diverses recherches plus aisement dans chaque endroit, il avait, comme a ses premieres explorations en orient, revetu le costume en usage.
prisse d'avennes rentrait en france, ses missions entierement terminees, rapportant encore de nombreux documents des plus curieux sur l'egypte pharaonique et l'egypte arabe, parmi lesquels on peut citer trois cents dessins in-folio, quantite de calques soignes et colories, en un mot de veritables fac-similes des plus belles peintures de diverses epoques. quelques-uns de ces calques avaient jusqu'a sept et huit metres de long; quatre cents metres d'estampages de bas-reliefs, cent cinquante photographies des plus interessants details d'architecture et de sculpture, ainsi que les photographies des plus importants monuments ducaire des plans, des coupes, des elevations, soigneusement cotes et pour la plupart inedits, cent cinquante dessins ou photographies stereoscopiques, des croquis, des notes, etc., etc. avec ces documents il rapportait encore une collection de vingt-neuf cranes de momies egyptiennes dont plusieurs etaient dores, et il put preciser l'epoque, le nom et les fonctions meme de l'individu que representait chacune deces momies; une collection de vases egyptiens et arabes de diverses formes et en differentes matieres des lampes et des vases arabes en verre emaille, etc. aussi nos collections nationales vinrent-elles de nouveau s'enrichir de precieux specimens. entre autres, celles du musee du louvre, du cabinet des medailles, du laboratoire d'anthropologie et du museum d'histoire naturelle.
joignant a ces services rendus, de profondes connaissances des us et coutumes de l'orient, en un mot, tout ce qui s'y rattachait, le gouvernement francais proposa a prisse d'avennes, le poste d'ambassadeur a constantinople, mais il refusa, voulant dans "l'interet de la science et de l'art", se consacrer entierement a ses publications. neanmoins l'etat le chargea de nouveau, en avril1874, de missions scientifiques et artistiques dans la vallee du nil, que deja il avait exploree avec tant de profit pour "la science, l'histoire et l'art", mais gravement atteint du mal qui devait l'enlever cinq ans plus tard, il ne put les accomplir.

(1) la commission prussienne qui vint en 1843 en egypte avait a sa tete le docteur lepsius qui lui-meme donnait l'exemple de la destruction sur ce que l'on ne tenait pas a emporter, ainsi qu'on le verra plus loin a propos d'une colonnette de l'hypogee d'abd el-gournah; de par ces actes, on voit, que les savants allemands ont, de tout temps, ete aussi barbares, aussi vandales que les officiers et la soldatesque, et que les depredations, les destructions systematiques que les troupes boches commirent en 1870 et durant la grande guerre de 1914-1918, ne sont en sorte que la continuation de leur sinistre mentalite qui ne sera, quoi qu'on fasse, jamais amendable