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  Émile Prisse d’Avennes et la chambre des ancêtres de Thoutmosis III [A]

 

Les antiquités qui font l’orgueil de nos musées y sont parfois parvenues après bien des aventures. Le XIXe siècle n’était pas aussi scrupuleux que le nôtre, ni très respectueux des Égyptiens.

 

Il nous a semblé intéressant de laisser le fils encenser lui-même les exploits de son père : le texte suivant — dont la mise en ligne occupera plusieurs « épisodes » de notre feuilleton — est donc extrait du livre Émile Prisse d’Avennes fils, Le Papyrus à l’époque pharaonique et fac-similé du plus ancien manuscrit du monde entier en caractères hiératiques archaïques ou papyrus Prisse d’Avennes trouvé à Thèbes, Avennes, 1926. Le titre de cet ouvrage se passe de commentaire : le lecteur ne s’attendra donc pas à ce que la plume de notre auteur soit très acérée, mais cela n’en jette qu’une lumière plus crue sur les mœurs de l’époque.

 

C’est en mai 1843 que Prisse d’Avennes, au prix de véritables dangers, de sacrifices en tout genre, et malgré les rigoureuses ordonnances de Mohammed-Aly (1), défendant, sous les peines les plus sévères l’enlèvement d’aucune antiquité, dota la France du Sanctuaire ou Salles des ancêtres de Thoutmès III, dont les bas-reliefs, avec leur longue série de pharaons magnifiquement peints étaient encore d’une étonnante conservation, et constituent un monument chronologique des plus importants. Toutefois, avant d’entreprendre le descellement des pierres, et ensuite leur sciage par tranche, comparativement aux blocs qu’elles présentaient, afin de n’emporter que les surfaces intérieures sculptées et peintes. Prisse d’Avennes fit un estampage en papier de ces reliefs, pour témoigner de l’état dans lequel ils se trouvaient alors.

 

Après dix-huit nuits d’un travail surhumain exécuté à la lueur des torches-bougies lorsque la Lune n’éclairait pas, et presqu’autant de journées de même labeur, bien que chaque matin à l’aube, afin d’éviter toute surprise, les travaux étaient recouverts, avec cet art particulier que seuls connaissent les Arabes habitués à la vie du désert, pour n’être repris, le plus souvent qu’au plus fort de la chaleur qui, naturellement, éloignait les curieux du théâtre de l’opération, il réussit, dans l’intérêt de la science, de l’histoire et de son pays, à enlever de Karnak, Thèbes et l’année suivante, à rapporter à Paris, malgré les obstacles qu’il rencontra de toutes parts, cette fameuse Salle des ancêtres de Thoutmès III ou Chambre des rois.

 

Du reste, pendant son séjour en Égypte, il eut plusieurs fois l’intention d’enlever de précieux monument chronologique pour en faire don à la France, mais bien que sa hantise, que son audacieux dessein fut entièrement désintéressé, la crainte du blâme l’avait toujours retenu.

 

Cependant son appréhension fut sensiblement atténuée lorsqu’il apprit l’arrivée de la Commission prussienne, et aussi les nouvelles dévastations que commettaient les fellahs, par ordre du pacha qui, avec une indifférence inouïe, faisait détruire les anciens monuments, tant égyptiens qu’arabes et autres, pour construire ses fabriques, leur imposait à fournir un quintal de pierre à raison de chaque feddan qu’ils cultivaient, mesure agraire correspondant à peu près à notre arpent.

 

Aussi, ces fellahs improvisés démolisseurs promenaient-ils leur destruction partout oò la facilité du travail les attirait, sans égard, et du reste, inaccessibles, comme bien l’on pense, à tout sentiment d’appréciation ou de vénération pour la haute valeur des documents historiques qu’ils détruisaient. D’ailleurs, comment auraient-ils pu en avoir devant les ordres du pacha, qui lui-même n’en avait pas ?

 
     
  emile prisse d'avennes et la chambre des ancetres de thoutmosis iii [a]

 

les antiquites qui font l'orgueil de nos musees y sont parfois parvenues apres bien des aventures. le xixesiecle n'etait pas aussi scrupuleux que le notre, ni tres respectueux des egyptiens.

 

il nous a semble interessant de laisser le fils encenser lui-meme les exploits de son pere: le texte suivant - dont la mise en ligne occupera plusieurs "episodes" de notre feuilleton - est donc extrait du livre emile prisse d'avennes fils, le papyrus a l'epoque pharaonique et fac-simile du plus ancien manuscrit du monde entier en caracteres hieratiques archaiques ou papyrus prisse d'avennes trouve a thebes, avennes, 1926. le titre de cet ouvrage se passe de commentaire: le lecteur ne s'attendra donc pas a ce que la plume de notre auteur soit tres aceree, mais cela n'en jette qu'une lumiere plus crue sur les moeurs de l'epoque.

 

c'est en mai1843 que prisse d'avennes, au prix de veritables dangers, de sacrifices en tout genre, et malgre les rigoureuses ordonnances de mohammed-aly (1), defendant, sous les peines les plus severes l'enlevement d'aucune antiquite, dota la france du sanctuaire ou salles des ancetres de thoutmes iii, dont les bas-reliefs, avec leur longue serie de pharaons magnifiquement peints etaient encore d'une etonnante conservation, et constituent un monument chronologique des plus importants. toutefois, avant d'entreprendre le descellement des pierres, et ensuite leur sciage par tranche, comparativement aux blocs qu'elles presentaient, afin de n'emporter que les surfaces interieures sculptees et peintes. prisse d'avennes fit un estampage en papier de ces reliefs, pour temoigner de l'etat dans lequel ils se trouvaient alors.

 

apres dix-huit nuits d'un travail surhumain execute a la lueur des torches-bougies lorsque la lune n'eclairait pas, et presqu'autant de journees de meme labeur, bien que chaque matin a l'aube, afin d'eviter toute surprise, les travaux etaient recouverts, avec cet art particulier que seuls connaissent les arabes habitues a la vie du desert, pour n'etre repris, le plus souvent qu'au plus fort de la chaleur qui, naturellement, eloignait les curieux du theatre de l'operation, il reussit, dans l'interet de la science, de l'histoire et de son pays, a enlever de karnak, thebes et l'annee suivante, a rapporter a paris, malgre les obstacles qu'il rencontra de toutes parts, cette fameuse salle des ancetres de thoutmes iii ou chambre des rois.

 

du reste, pendant son sejour en egypte, il eut plusieurs fois l'intention d'enlever de precieux monument chronologique pour en faire don a la france, mais bien que sa hantise, que son audacieux dessein fut entierement desinteresse, la crainte du blame l'avait toujours retenu.

 

cependant son apprehension fut sensiblement attenuee lorsqu'il apprit l'arrivee de la commission prussienne, et aussi les nouvelles devastations que commettaient les fellahs, par ordre du pacha qui, avec une indifference inouie, faisait detruire les anciens monuments, tant egyptiens qu'arabes et autres, pour construire ses fabriques, leur imposait a fournir un quintal de pierre a raison de chaque feddan qu'ils cultivaient, mesure agraire correspondant a peu pres a notre arpent.

 

aussi, ces fellahs improvises demolisseurs promenaient-ils leur destruction partout ou la facilite du travail les attirait, sans egard, et du reste, inaccessibles, comme bien l'on pense, a tout sentiment d'appreciation ou de veneration pour la haute valeur des documents historiques qu'ils detruisaient. d'ailleurs, comment auraient-ils pu en avoir devant les ordres du pacha, qui lui-meme n'en avait pas.