Jean Yoyotte, professeur honoraire au Collège
de France Le site de Thônis-Héracléion, à lembouchure de la branche canopique Grâce à létablissement de la carte des fonds de la baie dAboukir, la mission de linstitut européen dArchéologie sous-marine, dirigée par Monsieur Franck Goddio, a pu localiser, au cours de sa campagne davril-mai 2000, ce site qui est situé à lest de Canope et qui avait constitué, avant la fondation dAlexandrie, le poste frontière et lemporium de lÉtat égyptien. Cette ville portuaire avait été submergée par un des phénomènes tectoniques ayant affecté le bord du Delta occidental. La date de ce phénomène ne peut être encore précisée et fait actuellement lobjet des recherches de MM. Daniel Stanley (Smithsonian Institution, Washington DC) et Amos Nour (Stanford University, Californie). Létat dabandon est nécessairement postérieur au VIIe siècle de notre ère ; les structures proprement urbaines les plus anciennes remonteraient selon toute probabilité à lépoque byzantine. La prospection rapprochée a permis de reconnaître lemplacement dun vaste temple dont limportance est marquée par la présence de plusieurs très grands colosses royaux attribuables, semble-t-il, à lépoque ptolémaïque. Parmi les grands monuments repérés à cet endroit, une monumentale chapelle monolithe de granit, haute denviron 2 mètres. Sur la façade de ce naos subsistent les restes de deux courtes inscriptions hiéroglyphiques, que lépigraphie date de cette même époque. Ces textes ont été très endommagés par endroits, mais ce qui a pu être lu avec certitude par Jean Yoyotte grâce aux moulages sur supports délastomère levés par les plongeurs fait connaître les restes de qualificatifs caractérisants de la divinité à laquelle le monument était consacré. Par bonheur ces vestiges permettent aujourdhui dinterpréter le nom, jusquà présent incompris, que portait le temple majeur de la ville nommée Héracléion par les Grecs : « La Maison dAmon-Gereb ». Ils apprennent que la divinité possédait la maîtrise du mekes (létui contenant linventaire du patrimoine royal) et quelle était censée avoir investi le souverain régnant dans le palais. Or un mot « gereb » est précisément connu par les légendes des temples ptolémaïques et par des documents démotiques pour désigner un document écrit, lié à la transmission des biens et du pouvoir. La « Maison dAmon-Gereb » était située, selon le Décret de Canope « à la Bouche de la Hôné », ce lieu-dit étant homonyme de Ro-hôné, aujourdhui Illahoun, le point oò le grand bras latéral du Nil passe dans la dépression du Fayoum pour sépanouir en un delta intérieur et se jeter dans le Lac de MoèrisÉ Le nom transcrit Thônis en grec nest autre que T-hôné. Partant des précieux relevés topographiques réalisés par Franck Goddio, létude géomorphologique du terrain pourra permettre délucider le sens exact du mot hôné désignant une forme hydrologique dont la plus célèbre était, comme on sait, lénigmatique Hôné du Fayoum qui a fait couler beaucoup dencre. |
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jean yoyotte, professeur honoraire au college
de france le site de thonis-heracleion, a l'embouchure de la branche canopique grace a l'etablissement de la carte des fonds de la baie d'aboukir, la mission de l'institut europeen d'archeologie sous-marine, dirigee par monsieur franck goddio, a pu localiser, au cours de sa campagne d'avril-mai2000, ce site qui est situe a l'est de canopeet qui avait constitue, avant la fondation d'alexandrie, le poste frontiere et l'emporium de l'etat egyptien. cette ville portuaire avait ete submergee par un des phenomenes tectoniques ayant affecte le bord du delta occidental. la date de ce phenomene ne peut etre encore precisee et fait actuellement l'objet des recherches demm.daniel stanley (smithsonian institution, washington dc) et amos nour (stanford university, californie). l'etat d'abandon est necessairement posterieur au viiesiecle de notre ere; les structures proprement urbaines les plus anciennes remonteraient selon toute probabilite a l'epoque byzantine. la prospection rapprochee a permis de reconnaitre l'emplacement d'un vaste temple dont l'importance est marquee par la presence de plusieurs tres grands colosses royaux attribuables, semble-t-il, a l'epoque ptolemaique. parmi les grands monuments reperes a cet endroit, une monumentale chapelle monolithe de granit, haute d'environ 2 metres. sur la facade de ce naos subsistent les restes de deux courtes inscriptions hieroglyphiques, que l'epigraphie datede cette meme epoque. ces textes ont ete tres endommages par endroits, mais ce qui a pu etre lu avec certitude parjean yoyotte - grace aux moulages sur supports d'elastomere leves par les plongeurs - fait connaitre les restes de qualificatifs caracterisantsde la divinite a laquelle le monument etait consacre. par bonheur ces vestiges permettent aujourd'hui d'interpreter le nom, jusqu'a present incompris, que portait le temple majeur de la ville nommee heracleion par les grecs: "la maison d'amon-gereb". ils apprennent que la divinite possedait la maitrise du mekes (l'etui contenant l'inventaire du patrimoine royal) et qu'elle etait censee avoir investi le souverain regnant dans le palais. or un mot "gereb" est precisement connu par les legendes des temples ptolemaiques et par des documents demotiques pour designer un document ecrit, lie a la transmission des biens et du pouvoir. la "maison d'amon-gereb" etait situee, selonle decret de canope "a la bouchede la hone", ce lieu-dit etant homonyme de ro-hone, aujourd'hui illahoun, le point ou le grand bras lateraldu nil passe dans la depression du fayoum pour s'epanouir en un delta interieur et se jeter dans le lac de moerisÉ le nom transcrit thonis en grec n'est autre que t-hone. partant des precieux releves topographiques realises par franck goddio, l'etude geomorphologique du terrain pourra permettre d'elucider le sens exact du mot hone designant une forme hydrologique dont la plus celebre etait, comme on sait, l'enigmatique hone du fayoum qui a fait couler beaucoup d'encre. |